Qu'est ce que la famille ? - LA CONSTITUTION EUROPÉENNE ET LA FAMILLE
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- Publication : lundi 1 octobre 2012 15:52
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LA CONSTITUTION EUROPÉENNE ET LA FAMILLE
Quel sort et quelle place le projet de constitution européenne sur quoi nous sommes appelés à nous prononcer le 29 mai réserve-t-il à la famille ?
Les aspects juridiques
L’article II – 69 stipule que Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice.
Cet article est suivi de l’« Explication » suivante :
Cet article se fonde sur l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme qui se lit ainsi : « A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. » La rédaction de ce droit a été modernisée afin de couvrir les cas dans lesquels les législations nationales reconnaissent d’autres voies que le mariage pour fonder une famille. Cet article n’interdit ni n’impose l’octroi du statut de mariage à des unions entre personnes du même sexe. Ce droit est donc semblable à celui prévu par la Convention européenne des droits de l’homme, mais sa portée peut être plus étendue lorsque la législation nationale le prévoit.
De cette explication quelque peu embrouillée, il ressort tout de même que l’article 12 autorise le mariage entre « l’homme et la femme » et non entre deux personnes de même sexe. Il en résulte que ce dernier, autorisé aujourd’hui en Belgique et aux Pays-Bas, et bientôt en Espagne, ne respecte pas, à ce jour, la Convention européenne des droits de l’homme.
C’est donc bien la Constitution européenne qui les autoriserait, en « modernisant », la Convention européenne des droits de l’homme.
Peut-on pour autant en conclure que les lois nationales l’emporteront dans tous les cas ?
L’article III – 269, relatif à la coopération judiciaire en matière civile, dit précisément le contraire dans son alinéa 3 dont le texte est le suivant :
3 – Par dérogation au paragraphe 2, les mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière sont établies par une loi ou loi-cadre européenne du Conseil.
Il est vrai qu’il est prévu que le Conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen, mais l’on peut craindre que cette unanimité soit facilement obtenue pour autoriser, par exemple, un Français à « épouser » un Belge. Sur quoi pourra-t-on alors se fonder pour interdire à un Français de convoler avec un autre Français ?
La Cour de justice des communautés européennes a d’ailleurs déjà donné l’exemple, en donnant la priorité, sur les lois nationales, à un droit européen qui n’a pas valeur constitutionnelle sur des questions de changement d’identité de transsexuels ou sur le choix du patronyme d’enfants de couples de nationalités différentes.
Le Conseil pourrait d’ailleurs se fonder, pour autoriser le « mariage de ressortissants de deux pays ayant une législation différente en la matière, sur l’article II – 81 qui interdit les discriminations en raison de l’orientation sexuelle.
Ces suppositions sont d’ailleurs celles de Pierre Serne, membre du bureau exécutif de l’ILGA Europe (European Region of the International Lesbian et Gay Association) écrivant dans la Lettre de la Fondation pour l’innovation politique (voir plus loin, à la rubrique Bibliographie) :
« L’ILGA Europe est favorable à la ratification du traité constitutionnel européen car le fait de donner force juridique à la Charte européenne des droits fondamentaux permettrait aux Européens de jouir d’un niveau de protection contre les discriminations meilleur que celui qui existe aujourd’hui. »
Un projet de société
Au-delà des aspects juridiques, le projet de traité constitutionnel européen est l’expression d’un projet de société. Son laconisme sur le sujet de la famille est révélateur, quelles que soient les arguties que l’on puisse trouver.
En dehors des deux articles que nous avons déjà cités, le mot même de famille n’y est employé que dans l’article II – 93 :
1. La protection de la famille est assurée sur le plan juridique, économique et social.
2. Afin de pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle, toute personne a le droit d’être protégée contre tout licenciement pour un motif lié à la maternité, ainsi que le (sic) droit à un congé de maternité payé et à un congé parental à la suite de la naissance ou de l’adoption d’un enfant.
François d’Orcival écrit dans son éditorial du numéro daté du 25 février de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles : « Selon les chiffres des démographes, l’âge moyen de l’Européen est dès à présent légèrement supérieur à celui de l’Américain (37 ans contre 35) ; mais d’ici à deux générations, cette différence va dramatiquement s’accuser : l’âge moyen de l’Américain sera encore de 36 ans tandis que celui de l’Europe atteindra 53 ans ! »
Même s’il ne s’agit que d’une prévision, ne devrait-il pas y avoir là les raisons d’une priorité de la politique familiale ? Mais nous le savons, nos constitutionnels, d’Europe et de France, ont choisi de résoudre la question par l’immigration.
C’est pourquoi les discussions sur le contenu politique, économique ou social du Traité de constitution européenne me font quelquefois penser, par leur vanité, à celles qu’avaient, dit-on, les derniers défenseurs de Byzance, la veille de la prise de la ville, le 29 mai 1453, par les Turcs.
Mars 2005