Les Familles Nombreuses, richesse ou pollution ?
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- Publication : lundi 17 décembre 2018 14:33
«Comme je le dis toujours, s’il vous plaît, présentez-moi la dame qui a décidé, étant parfaitement instruite, d’avoir sept, huit, neuf enfants».
Cette phrase bien connue du président Macron, sortie, il est vrai, quelque peu de son contexte puisqu’elle s’adressait aux femmes africaines (ce qui a été considéré alors comme raciste) révèle quand même un profond malaise de notre société face aux familles nombreuses.
Autre illustration de ce malaise, cette infographie de l’AFP (page suivante) selon laquelle avoir « un enfant en moins » (lequel ?) réduirait notre empreinte carbone entre 25 et 300 fois plus que les autres moyens préconisés.
En plus de polluer la planète et de la « piller » par des besoins accrus en consommation, la famille nombreuse serait-elle en elle-même source de misère et de pauvreté ? Elle est aussi accusée d’être le fer de lance de l’immigration puisque les familles nombreuses sont pour une bonne part d’origine non française et pour couronner le tout, il est entendu que les mères de famille nombreuse ont des enfants quand elles ne sont pas capables de faire autre chose. Toutes questions ou observations fréquemment entendues et qui méritent qu’on s’y arrête pour faire la part des choses.
Familles nombreuses et pauvreté
Le rapport 2015 du Haut Conseil de la Famille (HCF) sur Le coût de l’enfant évalue à 30,2% des enfants de familles nombreuses le taux de ceux qui vivent dans un ménage pauvre, contre 19,6% pour la moyenne de tous les enfants. « Malgré les aides plutôt orientées vers ces familles ».
Michel Godet, en 2011, c’est-à-dire avant l’abaissement du plafond du quotient familial et la mise sous condition de ressources des allocations familiales, analysait déjà que « même après impôts et transferts, le niveau de vie d’une famille en couple avec trois enfants ou plus est en moyenne inférieur de 25% à celui d’un couple sans enfants ».
Enfin, l’INSEE souligne que le niveau de vie des familles décroit avec le nombre d’enfants, si bien que les familles nombreuses sont davantage touchées par la pauvreté : 35% des couples avec 4 enfants ou plus vivent sous le seuil de pauvreté.
La conclusion la plus communément entendue est celle-ci : Puisque les familles nombreuses sont pauvres et que la pauvreté est un mal que l’on souhaite éradiquer, supprimons les familles nombreuses !
Etrange sophisme qui fait des familles nombreuses en elle-même le bouc émissaire. Certains sont même allés jusqu’à laisser entendre, à l’instar du laboratoire d’idées Terra Nova, ou du National Bureau of Economics Research que les enfants de famille nombreuse souffriraient d'un déficit croissant de leurs capacités intellectuelles et affectives, en fonction de leur rang dans la fratrie! Curieuse analyse qui confondrait les causes et les effets : que des populations aux capacités intellectuelles et affectives réduites soient en plus incapables de maîtriser leur fécondité, ne doit pas forcément induire que le nombre des enfants est la cause de ces déficiences alors qu’il peut en être simplement la conséquence.
N’est-il pas, en outre, curieux de s’interroger sur la disponibilité d’une mère de famille pour chacun de ses huit ou neuf enfants sans se préoccuper de cette même disponibilité pour la mère de deux enfants à laquelle l’activité professionnelle prend 8 heures par jour.
Le président Macron s’est ainsi attiré de nombreuses et sympathiques réponses des réseaux sociaux français et américains sous la forme d’une avalanche de photos de brillantes diplômées entourées de leur nombreuse et souriante progéniture comme celle qui figure en tête de cette lettre.
Il n’en reste pas moins que statistiquement, plus les femmes sont diplômées, moins elles ont d’enfants. Ce n’est pas parce que celles-là seraient plus intelligentes ou mieux « éduquées » que celles-ci, mais parce que les années d’étude retardent l’âge de la première maternité et parce qu’il y a souvent des choix à faire entre la poursuite d’une carrière la plus brillante possible et l’éducation des enfants. Le président évoque (à propos des femmes africaines) les « maternités forcées » mais que dire chez nous, des « carrières forcées », lorsque seule est digne d’intérêt dans notre miroir sociétal la femme qui fait la même carrière que l’homme.
D’où vient que les familles nombreuses soient plus pauvres que les autres?
- Comme nous l’avons vu plus haut, le niveau de vie des familles se dégrade au fur et à mesure de l’arrivée des enfants. Et selon le niveau socio-économique des familles, si cette dégradation n’entraîne pas toujours la pauvreté, au sens statistique[1], elle peut entraîner le déclassement[2]. Rappelons que selon A. Math[3], la dépense monétaire moyenne, par enfant et par mois est de 750€ (ne tenant pas compte des dépenses en nature : valorisation du temps passé, ni du coût indirect : manque à gagner en terme de salaire ou de carrière).
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Selon l’étude INSEE citée plus haut, les familles nombreuses se retrouvent proportionnellement davantage chez les non-diplômés et les immigrés de première génération[4]. Rappelons que 31% des enfants vivent dans une famille dont l’un des deux parents au moins est immigré. Faute d’être capables de renouveler nous-mêmes notre génération, d’autres s’en chargeront. Le président turc Erdogan et le gouvernement algérien ne s’y sont pas trompés en annonçant une conquête « par le ventre de nos femmes ». Peut-on leur donner tort ?
- Statistiquement, les familles nombreuses se retrouvent majoritairement chez les plus pauvres, les enfants étant leur principale ressource par le biais des allocations, tandis que les familles aisées sont au contraire dissuadées d’avoir des enfants à cause de la baisse sensible de leur niveau de vie en l’absence presque totale d’aide compensatoire (minimum d’aide, maximum de cotisations). Ce n’est pas sans raison que Michel Godet soulignait « les effets pervers du ciblage social et des discriminations positives » et reprenait l’analyse d’Antoine Math : « des mesures ciblées sur les pauvres finissent par être de pauvres mesures ».
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Les mères de famille nombreuse sont conduites à réduire ou interrompre leur travail professionnel alors même que financièrement elles ont le plus besoin d’un deuxième salaire.[5] Les dispositifs de compensation actuels pénalisent très fortement les femmes diplômées qui ont une carrière très rémunératrice puisque l’allocation de remplacement « PREPARE » est de 396,01€ pour toute personne interrompant totalement son travail, quel que soit son salaire. (En Suède, il est équivalent à 80% du salaire). La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) est, là encore, attribuée sous conditions de ressources. Le « travail » au foyer de la femme mériterait d’être reconnu et valorisé, ne serait-ce que pour les économies qu’il fait faire à la nation en termes de crèches mais aussi d’équilibre et de santé de la famille tout entière, résultats scolaires etc.
- Le lien entre pauvreté des familles et politique familiale a été établi dans le Bulletin de l’INSEE Populations et sociétés n° 512 : « Dans les pays pratiquant une politique familiale, la pauvreté relative des familles a décru, contrairement aux autres pays….. »
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Il faut noter aussi la diminution des familles nombreuses dans les milieux aisés. Or, il est nécessaire qu’il y ait des familles nombreuses dans tous les milieux. Mais plus on subordonne les aides aux plafonds de ressources, plus il est difficile aux classes moyennes ou aisées d’élever de nombreux enfants. Or ce sont elles qui cotisent et cotiseront le plus et qui créent le plus d’emplois. Il est important d’encourager et d’aider à la constitution de familles, et pourquoi pas, de familles nombreuses, indistinctement dans toutes les couches de population sans en exclure aucune. Ceci a un nom : la politique familiale universelle. En 2011, on pouvait dire que les cadres avaient davantage d’enfants en moyenne que les employés (2,3 contre 1,5). Or, les dernières mesures ont durement pénalisé les familles à haut et moyennement haut revenu, et les femmes cadres font un sacrifice beaucoup plus grand que les autres en interrompant leur carrière.
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Comme statistiquement les familles les plus pauvres sont les familles d’immigrés, en subordonnant de plus en plus la politique familiale aux conditions de ressources, c’est-à-dire en la transformant en politique sociale de redistribution, il n’est pas besoin d’être très grand clerc pour deviner les conséquences pratiques d’une telle politique. C’est la « préférence nationale » à l’envers !
Les familles nombreuses enrichissent la planète
Quand le juste souci de la protection de l’environnement se transforme en nouvelle idéologie totalitaire, l’homme devient alors le seul animal nuisible. Oubliant que l’environnement, c’est ce qui est autour, autour de l’homme qui reste le centre, maître et responsable, et responsable parce que maître, l’homme, principal gêneur, n’a plus qu’à s’effacer. La planète devient elle-même centre et finalité. C’est ainsi que pour « transmettre », -et c’est bien le seul cas où l’on entend prononcer ce mot avec respect- une planète intacte à nos survivants, il faudrait ne plus avoir de descendance. Mais alors à qui transmettre ? Comprenne qui pourra !
C’est justement pour nos descendants que le suicide démographique reconnu maintenant par tous est une préoccupation majeure comme le dit l’éditorialiste du journal « La Repubblica » (l’équivalent italien du Monde) ; la baisse de la fécondité conduit l’Europe dans le mur alors qu’elle n’est pourtant pas inéluctable « comme le montrent les politiques appliquées avec succès dans différents pays ». La capacité d’un pays à produire richesse et bien-être dépend de sa pyramide des âges.
Selon une étude du Point, de 2005 à 2018, les plus de 85 ans ont augmenté de 40%. Dans 50 ans le nombre des plus de 75 ans aura doublé et celui des plus de 85 ans quadruplé. Qui prendra alors soin d’eux, y aura-t-il encore suffisamment d’actifs pour financer leur retraite ? Qui produira les biens dont ils auront besoin ? Qui leur donnera la chaleur humaine et l’amour dont ils ont besoin s’ils n’ont pas d’enfant.
Une chose est certaine : le maintien démographique repose absolument sur les familles nombreuses. Si deux enfants sont nécessaires, mathématiquement pour remplacer les deux parents, les enfants de rang 3, 4, 5 et au-delà sont nécessaires pour remplacer les gens n’ayant qu’un ou pas d’enfant.
Le quart de la population française n’a en effet pas de descendance. Le taux d’infécondité, c‘est-à-dire la proportion de femmes terminant leur vie féconde sans enfant était en 2012 de 11,7%. Ajoutons que c’est le cas de 15% des hommes. De plus, environ 18% des femmes n’ont qu’un enfant.
L’Allemagne est un exemple à méditer : s’avisant un peu tard de l’effondrement démographique de son pays, la Chancelière a fait le choix de remplacer les berceaux par l’immigration. Trois ans après elle en paye chèrement le prix. La preuve est faite que les hommes ne sont pas des pions interchangeables que l’on peut déplacer pour s’en servir[6].
Les familles nombreuses présentent peut-être des inconvénients qui leur sont propres : plus de pauvreté, manque de calme et d’intimité, chambres à partager à plusieurs, moins de gâteries et plus de rationnement, vêtements qui ne sont pas de première main, et j’en passe…
Mais qu’est cela face au bonheur d’avoir des frères et sœurs avec qui partager jeux et chamailleries, affectueux petits complots pour les parents, solidarité dans les petits et grands moments. Et quand les parents deviennent vieux, être plusieurs à les « porter » à son tour. Un ancien président de la Fédération européenne des associations de familles nombreuses, le Portugais Fernando Castro, avait coutume de dire : « Si vous voulez rendre un enfant heureux, donnez-lui un frère ou une sœur ; si vous voulez rendre un enfant très heureux, donnez-lui beaucoup de frères et sœurs ».
Enfin, si la vie en société s’apprend naturellement dans la famille, c’est encore plus vrai dans les familles nombreuses : apprendre à occuper sa place, rien que sa place mais toute sa place ; partager, donner et pardonner, s’entraider : aider et accepter d’être aidé, apprendre à être souvent taquiné, moqué, agacé sans dramatiser, savoir que disputes et réconciliation font partie de la vie quotidienne, relativiser ses propres échecs et succès en assistant de près à ceux des proches, connaître la valeur de la patience et de la discrétion, expérimenter la nécessité d’un minimum d’ordre, du partage des tâches, des services que l’on rend ou que l’on demande … Sans dresser un tableau idyllique des familles nombreuses qui connaissent les mêmes difficultés que toute société humaine on peut tirer parti de ces contraintes pour former des caractères qui sauront s’adapter aux difficultés de la vie en société.
L’histoire fourmille d’exemples d’illustres rejetons de familles nombreuses ou très nombreuses dont l’humanité eut été appauvrie si de telles idées malthusiennes les avaient empêchés de naître : le Maréchal de Mac-Mahon, Ste Catherine de Sienne, qui conseilla les princes et les rois au XIVème siècle, Jean-Sébastien Bach, …Qui peut dire si nous ne nous sommes pas privés aujourd’hui, par une planification des naissances étriquée, de grandes personnalités qui eussent renouvelé nos élites moribondes ? Nous ne prétendons pas que tout le monde doit avoir une famille nombreuse mais que sans les familles nombreuses, notre modèle de civilisation ne survivra pas. En Europe, un tiers des familles n’a pas d’enfant. Les familles nombreuses représentent 13% de toutes les familles et 30% des enfants européens proviennent de familles nombreuses. Si l’on permettait au moins aux ménages d’avoir autant d’enfants qu’ils le désirent, notre pays ne s’en porterait que mieux.
Malheureusement, la pression culturelle et le détricotage permanent de toute politique familiale aboutissent pour l’instant à l’inverse et hypothèquent gravement l’avenir.
Ce qu’il faut, c’est restaurer la dignité des familles nombreuses et leur manifester la reconnaissance de la nation, déplafonner le quotient familial qui n’est pas un avantage fiscal mais le simple calcul du niveau de vie des ménages, base du taux d’imposition, étendre le quotient familial à la CSG, faciliter l’acquisition d’un logement pour les familles nombreuses dont les parents sont mariés, supprimer les conditions de ressources pour les allocations familiales, tenir compte dans le calcul des retraites de l’investissement des familles (et notamment des mères) dans les générations futures, permettre un libre choix de l’école répondant à la diversité des enfants, et surtout, valoriser, culturellement et financièrement, le travail des mères au foyer, vecteur inégalable de stabilité et d’épanouissement pour toute la famille
S’il faut attendre, pour avoir un enfant, le feu vert du patron, de l’Agence de l’Air ou du Ministère de la Transition Ecologique, l’assurance d’une place de crèche, le verdict du médecin, la bienveillance de la belle-mère, des amis et du regard de la société tout entière… si l’on est découragé d’avance par l’angoisse de l’échec scolaire et des conflits d’autorité, du temps et de l’argent qu’il faudra investir en soutien scolaire, psy, orthophonistes et autres thérapeutes faute de pouvoir choisir l’école qui convient à ses enfants…si l’on se dit qu’après avoir cotisé doublement pour la sécurité sociale on sera privé de retraite au soir de sa vie parce que de nombreux enfants à nourrir ont empêché l’épargne familiale et qu’on n’a pas suffisamment « cotisé »… Si l’on est étranglé par la précarité financière, les charges de logement, d’école, de voiture, des dépenses de la vie quotidienne des familles avec, en face, de moins de moins de rééquilibrage par la fiscalité et la baisse des allocations familiales et aides diverses...quelle famille pourra faire encore « le choix » d’être nombreuse ?
Et s’il n’y a plus de familles nombreuses, comment subsistera notre nation et qui paiera nos retraites demain ?
[1] Selon la définition INSEE, le niveau de vie est le revenu disponible du ménage – c’est-à-dire la somme des revenus d’activité, de remplacement, de patrimoine et des prestations sociales, nets de prélèvements – divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Une UC est attribuée au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans et plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.
Le seuil de pauvreté monétaire correspond à 60% du niveau de vie médian de la population, soit, en 2017, 1 015€ par mois après impôts et prestations sociales pour une personne seule, 2 949€ pour un couple avec 4 enfants dont un âgé de plus de 14 ans.
[2] Selon le rapport du Haut Conseil de la Famille sur « Le coût de l’enfant » paru en 2015, « Le coût des enfants […] est strictement proportionnel au revenu disponible des parents sans enfants ». Ce coût, pour un enfant de moins de 14 ans, est estimé, d’après l’échelle d’équivalence de l’OCDE, à 217€ pour un couple sans revenu d’activité et à 821€ pour un couple ayant un revenu d’activité de 4 SMIC. Toujours selon ce même rapport, la couverture du coût de l’enfant par les aides publiques va de 129% pour un couple avec trois enfants sans revenu d’activité à 39% lorsque ce couple gagne 3 SMIC et 14% lorsque ce couple gagne 8 SMIC.
Rappelons que le coût de l’enfant se définit comme « la somme supplémentaire dont a besoin un ménage lorsqu’il accueille un enfant pour atteindre le même niveau de vie qu’auparavant (ou celui d’un couple semblable mais sans enfant). Le HCF précise aussi que « Les besoins identifiés ne se limitent donc pas à ceux qui pourraient être considérés comme vitaux pour les personnes, mais incluent aussi les besoins jugés socialement nécessaires pour vivre décemment dans une société donnée. ou « pour participer effectivement à la vie sociale » comme dit l’ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale).
[3] Les dépenses consacrées par la société pour les enfants. Une évaluation du coût de l’enfant. A. Math – IRES - 2014
[4] INSEE Première n°1531 janvier 2015 Tableau n°2
[5] Idem Tableau n°4
[6] Trois quart des réfugiés qui étaient censés résoudre la pénurie de main d’œuvre sont toujours au chômage. Idem en Belgique où seulement 3,5% des réfugiés ont trouvé un travail un an après leur arrivée. https://fr.express.live/2017/06/29/allemagne-refugies-emploi-chomage-qualifications/ https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/allemagne/allemagne-des-emplois-pour-les-migrants_2819565.html