Ma famille, mon choix, mon droit

Publication : mercredi 24 décembre 2014 10:14

Tout le monde garde en mémoire la campagne publicitaire récente « Mon corps, mon choix, mon droit » qui prétendait disposer du corps des petits au nom de « mon choix » et de « mon droit ».

 

A voir le déferlement en cascade de lois et décrets qui étranglent la famille, on peut se demander si le « droit », ce qui est garanti par la loi, respecte vraiment le « choix » des familles.

 

Le choix d’avoir un enfant?

 

Le premier « choix », celui d’avoir un enfant, est-il respecté ? D’où vient que le désir d’enfant (2,55 en moyenne) soit supérieur au nombre d’enfants nés (1,99) ? Mis à part les cas de stérilité, qu’est-ce qui empêche les familles d’aller au bout de leur choix si ce n’est la vie de plus en plus difficile des familles nombreuses, plumées plus que les autres, la mentalité contraceptive soigneusement répandue et qui fait que l’enfant devient le petit cadeau que l’on se fait lorsqu’on a tout le reste, la pression carriériste qui donne mauvaise conscience de choisir l’enfant au détriment d’une ascension professionnelle espérée, la pénurie d’offres de garde pour celles qui doivent exercer une activité professionnelle rémunérée.

 

 Ce n’est qu’une question de temps avant que n’arrivent chez nous les pratiques nord-américaines déjà expérimentées par les firmes Google et Apple qui s’enorgueillissent d’avoir intégré à leur « management » la congélation d’ovocytes de leurs employées : « Vous voulez des enfants, mesdames ? Pas de problème : confiez-nous vos ovocytes pendant que l’entreprise a besoin de vous. Lorsque, plus tard, votre carrière bien assise, vous aurez le temps de penser à avoir un enfant, nous les décongèlerons pour vous !  Mais attention ; si mon entreprise se donne la peine d’investir dans ce programme onéreux, gare à celle qui me trahira en se retrouvant enceinte à 30 ans ! » Faute grave ou faute lourde ? ironise le syndicaliste CFTC Joseph Thouvenel qui connait son code du travail par cœur.

 

Le choix d’élever son enfant ?

 

Une fois l’enfant mis au monde, qui va l’élever ? Il est clair que l’enfant n’ « appartient » pas à ses parents. Mais il n’appartient pas davantage à l’Etat. Son père et sa mère  - lorsqu’il a la chance d’avoir encore les deux, droit qui lui est de plus en plus contesté - en sont les premiers responsables, l’état ne l’étant que par délégation, pour ce que les parents ne peuvent assumer [ceci est reconnu par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, article 5, et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, article 26-3]. Ceci s’appelle la subsidiarité.

 

Que reste-t-il du choix des parents d’élever eux-mêmes leurs enfants, et de ne le confier aux institutions qu’autant qu’il est nécessaire ?

 

Très tôt l’Etat s’immisce dans la vie des familles et choisit à leur place ce qui lui semble bon : il prétend forcer la mère à reprendre son travail au plus vite en amputant le congé parental d’un an si le père ne peut ou ne veut le prendre à sa place. Alors même qu’une enquête INSEE [1] rapporte que 89% des mères ayant pris un congé parental l’ont fait par « souhait de se consacrer à l’éducation de l’enfant ».

 

Environ une mère de trois enfants ou plus sur deux  travaille à temps partiel et choisit ainsi de concilier vie de famille et vie professionnelle. Mais on dit que les femmes sont ici victimes de « norme intériorisée »[2] dont il s’agit de les libérer au plus vite par la loi. Désormais, le travail à temps partiel est drastiquement encadré : pas de contrat inférieur à 70% du temps plein sauf dérogation dûment motivée.

 

Il est vrai que le modèle suédois est à l’honneur : le congé parental y est long et très bien rémunéré, sans condition de ressources, mais dès les 6 mois de l’enfant, la mère est soumise à une forte pression pour réserver la crèche qui doit accueillir son enfant à la fin du congé (16 mois).

 

Si elle répond : non, je veux rester encore un peu plus chez moi avec mon enfant, on lui répond qu’à la crèche son enfant sera dans des mains beaucoup plus expertes, diplômées, et dont c’est le métier. Ce sera forcément beaucoup mieux que la mère qui n’est pas diplômée pour s’occuper de son propre enfant. En Suède, l’éducation par l’Etat dès 16 mois est forcément la meilleure et l’on ne peut y échapper.                      

 

Le choix de l’école ?

 

La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants » (art. 26.3). La convention européenne des droits de l’homme va plus loin : « L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques » (Protocole additionnel, art. 2).

 

Qu’en est-il en France du choix des parents ? Alors que la loi française fait obligation seulement d’instruction, l’école « de la République », la seule accessible à tous car financée par l’impôt et non par ses usagers, ne prétend plus seulement instruire mais rééduquer les enfants à la place de leurs parents, tandis que l’échec scolaire universellement reconnu  ne permet plus de parler d’instruction.

 

Les programmes scolaires sont vidés de toute idée de transmission d’une culture qui, étant le socle de notre identité commune, fortifiait le lien social tandis que les méthodes d’apprentissage, sous couvert d’ « école active » privilégient le copié-collé globalisant au détriment de la pensée réfléchie.

 

L’éducation sexuelle obligatoire, et ses travaux pratiques, qui prétend au passage remplacer les stéréotypes de genre par ceux de la confusion immature, ne correspond pas forcément au choix des parents de faire grandir leur enfant par le développement harmonieux du corps, du cœur, de la volonté et de l’intelligence.

 

Les familles qui voudraient faire un autre choix devront payer deux fois l’école : une fois l’école publique par les impôts, une autre fois en acquittant, quand ils le peuvent, les frais de l’école de leur choix. Inutile de dire que ce sont les familles les plus modestes et les familles nombreuses qui n’ont, dans les faits, presque pas le choix.

 

D’autres pays commencent à réagir et comme l’Angleterre, instaurent des « free-schools », écoles indépendantes de l’Etat dans leur fonctionnement mais financées par lui au pro rata du nombre d’élèves.

 

En France, plus de mille écoles hors contrat font craquer le corset rigide de l’Education nationale mais restent encore financièrement inaccessibles à beaucoup de familles malgré les succès remarquables de la Fondation pour l’école et de l’association Education Solidarité qui ne demandent qu’à se développer.[3]

 

Le choix de la femme au foyer ?

 

Le nombre de femmes au foyer rétrécit régulièrement puisqu’elles sont passées de 3,5 millions en 1991, quelques années après qu’Yvette Roudy, premier ministre aux « Droits de la Femme » les eut traitées de « légumes »  à 2,1 millions  en 2011[4].

 

Est-ce que toutes celles qui ont renoncé à élever elles-mêmes leurs enfants pour prendre une activité rémunérée l’ont fait vraiment par choix ?

 

Ont-elles le choix de rester à la maison alors que toute la pression sociale et culturelle leur serine qu’elles sont, au pire, une idiote doublée d’une paresseuse et d’une bonne à rien, ou au mieux, une victime enfermée chez elle par une société machiste ? Quand elles n’ont de valeur que marchande à n’être jugées qu’en termes de PIB, de taxes et de salaire, qu’on nie leur apport à la société en les qualifiant de « sans profession » et qu’on les exclut de la « population active » ?

 

Ont-elles le choix lorsqu’elles savent que tout leur investissement pour élever des enfants, sur lesquels la société sera bien contente de compter demain pour payer les retraites et autre politique sociale, ne leur sera même pas compté au jour de leur propre retraite : leurs années sans activité professionnelle rémunérée ne leur ouvrent pratiquement aucun droit, et on parle de plus en plus de supprimer la pension de réversion ?

 

Alors que les charges financières qui pèsent sur les familles sont de plus en plus lourdes rendant bien souvent indispensable un deuxième salaire, les mères ont-elles le choix de se consacrer à leur famille ? Elles économisent pourtant ainsi au contribuable, plus souvent que la moyenne, bien des frais de « remédiation » concernant l’enfance en difficulté. Sans compter les frais de création et de fonctionnement des crèches (qui ne sont que très partiellement et inégalement couverts par la participation financière demandée aux usagers)

 

Le choix de la famille nombreuse ?

 

S’il faut attendre, pour avoir un enfant, le feu vert du patron, l’assurance d’une place de crèche, le verdict du médecin, la bienveillance de la belle-mère, des amis et du regard de la société tout entière… si l’on est découragé d’avance par l’angoisse de l’échec scolaire et des conflits d’autorité, du temps et de l’argent qu’il faudra investir en soutien scolaire, psy, orthophonistes et autres thérapeutes faute de pouvoir choisir l’école qui convient à ses enfants…si l’on se dit qu’on sera privé de retraite au soir de sa vie parce que de nombreux enfants à nourrir ont empêché l’épargne familiale et qu’on n’a pas suffisamment « cotisé »…   Si l’on est étranglé par la précarité financière, les charges de logement, d’école, de voiture, des dépenses de la vie quotidienne des familles  avec, en face,  de moins de moins de rééquilibrage par la fiscalité et la baisse des allocations familiales et aides diverses...quelle famille pourra faire encore « le choix » d’être nombreuse ?

 

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Comme toujours, nous avons le choix. Mais à condition que nous fassions le « bon choix » ; comme les vaches ont le choix de se diriger ou non vers le distributeur de granulés supplémentaires, lequel est relié à une puce dans le cerveau de la vache et commandé par ordinateur. Extérieurement, on croit que la vache a le choix, mais en fait, selon ce qui est programmé parce que jugé « bon pour elle », elle est attirée ou non par les granulés indépendamment de sa volonté et de sa conscience.

 

Résistant aux stimuli qu’on nous impose, nous continuerons à faire le choix de la famille. Sans attendre que « son droit » soit élevé au rang de « droit fondamental », comme si cette promotion démocratique servait d’ultime justification et d’injonction catégorique à ce que la nature ne parvient pas à établir. Et c’est un bon choix. Le meilleur pour tenir bon dans un monde à la dérive.

 

Claire de Gatellier



[1] Insee, enquête Emploi et module complémentaire sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle 2010. http://www.insee.fr/fr/mobile/etudes/document.asp?ref_id=ip145§page=graph#graphiq 

[2] Rapport de Séverine Lemière p. 29 et suivantes          http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2013/12/20131209-rapport-emploi-femmes-Severine-Lemiere.pdf

[3]FONDATION POUR L’ECOLE, 25 rue Sainte-Isaure – 75018 Paris ;  http://www.fondationpourlecole.org/                                      ASSOCIATION EDUCATION – SOLIDARITE Maison Saint Michel Boite Postale 40078 - 71602 - PARAY le MONIAL - Cedex 02 http://www.asseducsol.com/                                      

[4] http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1463