Discours de M. Viktor Orbán, premier ministre de Hongrie, au III° Forum Démographique de Budapest.

Publication : jeudi 5 décembre 2019 16:42

 

Le 5 septembre 2019

 

Monsieur le Cardinal, Messieurs les Evêques, Monsieur le Président de la République, Messieurs les Premiers ministres, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs, bon jour !

 

Je suis très heureux que nous nous retrouvions ici pour la troisième fois. Je voudrais remercier les organisateurs, qui sont l’âme de tout. Je voudrais rendre un hommage particulier au professeur Pál Demény, présent parmi nous, qui a été l’initiateur et le mentor de cette série de conférences et qui le reste jusqu’à ce jour.

 

Nous avons, Mesdames et Messieurs, des invités d’honneur, des présidents et des premiers ministres de pays importants. Je salue tout particulièrement l’ancien Premier ministre d’Australie. Grâce à son action politique énergique, ce pays est pour nous un modèle. Nous rendons un hommage tout particulier à l’esprit conséquent, courageux, direct et très anglo-saxon dont il fait preuve en matière de migration et dans la défense de la Nation australienne. Merci d’être venu nous rendre visite. Nous avons aussi Monsieur Vučić, Président de Serbie, que je salue aussi très chaleureusement. Chaque peuple a son opinion sur les autres, c’est évidemment le cas entre voisins. Nous autres Hongrois, par exemple, avons l’habitude de considérer que les Slaves, en général, ont un grand cœur. Connaissant les Serbes, qui ne sont pas seulement nos voisins, mais qui partagent aussi notre destin, cette affirmation est particulièrement vraie et j’ai quelquefois l’impression qu’ils sont mus non pas par un, mais par deux cœurs. Ceux qui ne me croient pas n’ont qu’à regarder l’équipe de basket-ball serbe qui dispute actuellement les championnats du monde. Et nous avons le `Premier ministre de Tchéquie, qui n’est pas seulement en capacité de faire, mais qui a déjà fait des miracles : il a accompli en Tchéquie des miracles économiques et financiers, c’est pourquoi sa cote en Hongrie est particulièrement élevée. Je ne dis pas que nous ne progressons pas, mais nous ne voyons toujours que la nuque des Tchèques. Monsieur le Premier ministre Babiš est pour nous une source d’inspiration, parce que nous, les Hongrois, nous voulons rattraper les Tchèques, et que donc mieux il réussit dans son pays, davantage il nous inspire ici en Hongrie. Si vous le permettez, je ferai remarquer entre parenthèses que la Tchéquie montre sa force en s’offrant le luxe de le gratifier d’attaques au lieu de tresser des couronnes à son Premier ministre pour ses mérites dans l’obtention de ces résultats. Il est pourtant le meilleur économiste d’Europe. Nous ne pouvons dire qu’une chose d’ici, de Hongrie : bienheureux Tchèques, nous envions vos problèmes !

 

Mesdames, Messieurs,

 

Notre thème d’aujourd’hui est la démographie et la famille. Nous avons entendu des interventions remarquables. Je me retrouve donc dans une situation difficile : avec quoi puis-je ajouter quoi que ce soit à ce qui a déjà été dit ? Je crois que je peux le faire sur deux points: le premier, dire quelques mots des bases spirituelles de la politique familiale de la Hongrie et le second, appeler votre attention sur quelques aspects-clé du modèle hongrois de politique familiale.

 

Commençons donc avec les bases spirituelles. A l’époque où j’étais encore jeune, une conférence comme celle-ci, sur les problèmes démographiques, aurait été pour moi une source d’étonnement. Elle aurait été une source d’étonnement parce que littéralement tous, indépendamment de l’éducation ou de l’origine, connaissaient et comprenaient cette vérité vieille comme le monde que la vie humaine a une fin et que tous nous y entrons et que il y a un moment où nous en sortirons. C’est une loi immuable. A cette loi et à cette dure vérité, j’ai constaté, au cours de ma vie, que l’on pouvait apporter trois types de réponses, ou si vous préférez chercher la solution par trois voies. La première voie est le monde des stupéfiants, la vie dans l’addiction, La consommation des stupéfiants à travers laquelle nous éloignons et écartons de nous la question de la finalité et de la fin de la vie. Cette approche répond à la désagréable constatation que la vie a une fin en niant la question elle-même. La seconde approche est celle où l’homme cherche la voie qui mène au Créateur, - Celui qui a décidé que notre vie a une fin et en a fait la loi de notre existence, - en nous approchant de Lui pour qu’Il nous donne la réponse et le baume de la guérison. Cette approche, cette voie a bâti dans le monde d’immenses œuvres de civilisation, dans le domaine des arts comme dans celui de la culture. Et la troisième approche, qui est devant nous, consiste à essayer de nous préoccuper de la continuation de notre vie en ce monde. Cette approche porte des noms: fondation d’une famille avec enfants. Chair de notre chair, sang de notre sang, l’enfant est en quelque sorte la continuation de notre vie. En un mot comme en cent, puisqu’autrefois tout le monde savait cela en Hongrie, nous n’avons jamais tenu de conférences sur la démographie, parce que nous pensions que l’on n’avait pas besoin d’encourager la « vache à brouter ». Mais de grands changements se sont produits, et le grand changement peut se résumer en un seul mot, autour duquel tournent nos interventions: ce mot, c’est la dépopulation, la question de la dépopulation.

 

Lorsque nous, en Hongrie, essayons de clarifier les bases spirituelles de la politique familiale, nous essayons tout d’abord de comprendre la nature du mal. Le premier pas de la compréhension d’un problème social consiste à cerner son étendue. C’est pourquoi nous nous sommes demandé si le déclin démographique était un phénomène mondial commun à l’ensemble de l’humanité ? Et nous avons constaté que non, puisque la population croît en Asie ou encore en Afrique. Nous nous sommes ensuite demandé s’il s’agissait d’une maladie de civilisation, une caractéristique de la civilisation chrétienne ? Et nous avons trouvé que non, parce que le nombre des chrétiens dans le monde, loin de diminuer, augmente et toutes les prévisions font état de la poursuite de cette augmentation sur les années à venir. Alors si le déclin démographique n’est ni un phénomène mondial, ni lié à la civilisation chrétienne, à quoi peut-on le rattacher ? Eh bien, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agissait d’un phénomène européen. Bien sûr, il existe aussi sur d’autres continents des pays où l’on observe un déclin démographique, par exemple en Asie, mais le fait que le phénomène soit généralisé sur tout un continent est bien une spécificité européenne. C’est pourquoi en Hongrie nous voyons dans ce mal une particularité européenne et c’est en fonction de cela que nous devons l’aborder.

 

Quelle en est la raison ? Plusieurs théories s’affrontent. Mon opinion est que la cause en est assez claire: le déclin démographique est devenu un problème européen parce que l’Europe a connu en son sein deux épouvantables guerres civiles. À l’école on les appelle Guerres mondiales, et il est vrai qu’elles se sont étendues au-delà des frontières de l’Europe, mais elles ont été en vérité des guerres civiles européennes et même, pour être plus précis, des guerres civiles occidentales. Deux guerres civiles occidentales, avec des pertes humaines immenses. Les calculs diffèrent, mais si l’on additionne les pertes européennes et américaines des deux Guerres mondiales – sans compter les pertes américaines subies sur les fronts d’Asie, c’est-à-dire en ne comptant que les pertes européennes –, l’on peut dire que nous avons perdu environ 50 millions d’Européens dans les deux Guerres mondiales. Et je suis convaincu qu’au jour d’aujourd’hui nous subissons encore les effets de ces pertes. Et puisque la racine du problème est à chercher dans une situation non-naturelle, une situation exceptionnelle – deux Guerres mondiales, deux guerres civiles européennes –, la politique doit assumer un rôle dans un sujet aussi sensible que la démographie. Si le déclin démographique n’avait pas été provoqué par des conflits politiques et des guerres, les gouvernements auraient dû s’occuper de manière bien plus prudente des questions démographiques, car c’est, tout de même, un domaine excessivement sensible. Mais puisque c’est la politique elle-même qui a causé le mal, puisque ce sont les gouvernements des Etats qui ont provoqué le mal avec les deux Guerres mondiales, les deux guerres civiles européennes, il n’est pas possible de rectifier, de corriger ces problèmes sans un rôle énergique de l’Etat. C’est pour cette raison que la Hongrie et son Gouvernement ont décidé qu’il lui faut une politique démographique énergique et que cette tâche incombe à l’Etat et à ce même Gouvernement.

 

Lorsque nous parlons des bases théoriques de notre politique familiale, il faut en tout état de cause commencer par neutraliser deux arguments contradictoires. Notre invité venu d’Australie, Monsieur le Premier ministre, nous en a déjà parlé. Le premier est la migration. Il faut absolument repousser l’argument selon lequel la migration est capable de résoudre tout le problème du déclin démographique européen, car si nous l’acceptons, nous n’avons rien à faire. Mais si nous ne l’acceptons pas, alors oui, nous avons des mesures à prendre et si l’Europe de demain devait ne pas être repeuplée par des Européens, si nous acceptons la migration comme un fait acquis, si nous la considérons comme naturelle, alors nous contribuons dans les faits à un échange de populations, nous contribuons au processus de basculement de la population européenne. Ce n’est pas le sujet de notre débat d’aujourd’hui, mais je m’aperçois que c’est là-dessus que se basent certaines politiques européennes, c’est-à-dire qu’il existe des forces politiques qui, pour des raisons diverses, souhaitent un changement de population; certaines pour des raisons d’intérêt ou des raisons politiques, d’autres pour des raisons idéologiques, mais ce point dépasse l’objet de notre conférence d’aujourd’hui. De toute manière, nous devons affirmer avec détermination que si nous voulons mener une politique démographique, il est recommandé de tenir à l’écart la solution par la migration.

 

Le second argument à neutraliser – et Monsieur le Premier ministre Abbott y a également fait allusion, c’est un argument « vert », un argument nouveau, dont j’ai moi-même été frappé ces derniers jours – c’est qu’il soit possible de considérer les enfants et la vie comme quelque chose qui s’oppose à la nature et d’affirmer que la planète se trouverait mieux s’il y naissait moins d’enfants. L’on pourrait s’opposer à cette affirmation, mais je propose plutôt de la considérer comme insensée et de la rejeter en tant que telle, en nous bornant à rappeler que dans l’ordre de la Création l’homme est partie prenante et non adversaire de l’écosystème que l’on cherche à préserver des enfants. C’est pourquoi il ne faut pas opposer l’un à l’autre, mais déterminer de manière intelligente la place d’une humanité toujours croissante dans l’écosystème. C’est la bonne approche, pas celle qui consiste à opposer la nature à la vie humaine.

 

Sur le thème des bases spirituelles de la politique démographique hongroise, je voudrais encore faire deux remarques. La première est que selon la conviction des Hongrois tout enfant a droit à un père et à une mère. En d’autres termes, lorsque nous parlons de la famille, de l’aide aux familles, nous entendons l’aide à la famille traditionnelle ; nous défendons le modèle traditionnel de la famille, tout en raisonnant en termes de nation, parce que nous pensons que la famille et l’enfant ne sont rien d’autre que la condition préalable à la reproduction biologique de la communauté nationale. Si les familles échouent, s’il n’y a pas d’enfants, alors une communauté nationale peut disparaître. Peut-être cela n’est-il pas évident pour un Australien, qui fait partie de la grande famille du monde anglo-saxon ou pour un Allemand, qui ne comprendrait pas non plus que l’on puisse envisager de disparaître de la terre, mais pour des communautés de la dimension de celle des Tchèques, des Serbes ou des Hongrois, il est mathématiquement facile de reconnaître qu’en présence de tendances démographiques défavorables il pourrait y avoir tôt ou tard un dernier homme pour faire descendre le rideau sur la scène nationale. Une nation peut donc s’éteindre. Cette vision ne relève pas d’une terreur maladive, elle n’est pas le fruit d’une imagination dévoyée, elle est un danger véritable, dont le modèle mathématique,  - qui démontre que lorsque la population d’une nation baisse en-dessous d’un certain seuil, la préservation de l’identité nationale devient impossible -  est facile à construire. Et nous pensons que si une nation disparaît de la surface de la terre, il en résulte une perte que nul ne peut combler, une perte irrémédiable, car nous ne pouvons pas être des Serbes, ce que seuls les Serbes peuvent être. Seuls les Hongrois peuvent voir le monde en Hongrois, les Tchèques ne peuvent pas le voir en Hongrois et les Tchèques seuls sont capables de produire une culture tchèque, et personne d’autre. En d’autres termes, si une nation disparaît, le monde perd quelque chose d’irremplaçable. János Arany, le grand poète romantique hongrois, l’a dit à sa manière, et c’est la raison pour laquelle les deux vers suivants figurent dans les bases spirituelles de la politique familiale hongroise :

 

« Si nous sommes balayés par la tempête du temps,
Jamais plus il n’y aura de Hongrois devant Dieu
»

 

Par conséquent notre politique familiale repose aussi sur des bases nationales.

 

Voilà, Mesdames et Messieurs, sur quoi se fonde la politique familiale de la Hongrie. Je voudrais maintenant appeler votre attention sur certains de ses aspects, en me limitant à quelques-uns parce que la matière est très riche et qu’il est pratiquement impossible de les traiter tous de manière exhaustive. Je ne voudrais donner ni des conseils et encore moins des leçons, parce qu’il y a autant de nations que de pays, autant de manières de penser que de nations. Je voudrais plutôt proposer l’expérience hongroise comme une boîte de bonnes pratiques à partir desquelles vous pourrez réfléchir à ce que vous pourriez appliquer chez vous.

 

La première bonne pratique est que la base du modèle hongrois est de nature constitutionnelle. J’ai déjà parlé des bases spirituelles. Mais il y aussi une base constitutionnelle qui est très importante. Si l, si les éléments principaux de la politique familiale, essence de la politique démographique, ne sont pas inscrits dans la constitution, il n’est pas possible de mener une politique familiale sur le long terme. C’est pourquoi les bases constitutionnelles sont nécessaires, parce que ces bases nous protègent contre les décisions de justice antifamiliales. Les tribunaux sont un monde à part, ils ne font pas partie des domaines contrôlés par l’action de l’Etat, bien qu’ils relèvent de la vie publique mais ils sont indépendants du gouvernement. Ils fonctionnent sur la base de considérations différentes de celles du gouvernement et c’est pourquoi ils peuvent toujours se trouver des décisions de justice – les Etats-Unis en sont le meilleur exemple – qui sont clairement antifamiliales. Il y a à cela une seule limite  une base constitutionnelle précise. Mais il y a une autre raison du besoin d’une base constitutionnelle de la politique familiale aussi, à savoir, que sans elle les organisations internationales, les ONG, les réseaux et les officines qui sont très souvent hostiles à la famille pourraient prendre pied dans la vie publique hongroise et dans le processus décisionnel hongrois. Soyons conscients que si notre constitution ne nous protège pas contre – n’hésitons pas à le dire – des décisions antifamiliales de l’Union européenne, de telles décisions pourront être prises sans entrave. Si nous voulons nous défendre, si nous voulons mener une politique familiale solide, nous avons besoin des bases constitutionnelles.

 

Le second aspect sur lequel je voudrais attirer votre attention est qu’une bonne politique familiale suppose de bonnes bases économiques. Il se peut que ce ne soit pas le cas dans d’autres parties du monde, mais telle que je vois et comprends la situation actuelle de la civilisation européenne, je dois dire qu’en Europe pour la réussite de toute politique familiale il faut de l’argent. Sans argent, nous ne pouvons pas renverser les tendances défavorables. C’est notre expérience, que cela nous plaise ou non. C’est ce qui a permis en Hongrie de doubler sur dix ans les aides budgétaires aux familles. Il est important que lorsque nous parlons des bases économiques nous comprenions à quel point des finances publiques saines et stables sont importantes: et je félicite ici une nouvelle fois Monsieur le Premier ministre Babiš, car le fondement de la politique familiale est la confiance. Il faut que les familles puissent croire que les mesures qu’un gouvernement prend resteront en vigueur sur la durée. La décision d’avoir des enfants ne se limite pas à un instant, elle doit prévoir aussi la possibilité de les élever. Il faut un régime d’aides aux familles fiable et sûr dans la durée. Mais si les finances publiques ne sont pas saines, si des troubles financiers apparaissent, alors ce sont les plans d’austérité qui arrivent et c’est tout le raisonnement budgétaire de la politique familiale qui tombe tôt ou tard à l’eau. La Hongrie en est un exemple. Je pourrais vous en parler longuement – sauf que ce n’est pas pour discourir sur les gouvernements précédents que nous sommes réunis aujourd’hui – et vous raconter comment ces gouvernements précédents ont immédiatement retiré, à l’apparition de difficultés et sous couvert de gestion de crise, toutes les aides aux familles, sans lesquelles il n’y a pas de planification familiale stable possible. Ce que je veux vous dire, c’est qu’au-delà des bases spirituelles et des bases constitutionnelles, une politique familiale stable et réussie nécessite des finances saines et une économie en croissance.

 

L’expérience en Hongrie est que les allocations de politique familiale doivent être toujours liées au travail. Car l’homme n’est que humain, il se replie très facilement dans une situation où, s’il voit que l’on peut vivre des aides sociales et autres subventions, il a tendance à choisir cette forme d’existence au lieu des contraintes du travail, ce qui a pour conséquence une chute de la performance économique du pays. Nous voilà revenus aux désordres financiers qui engendrent à leur tour des mesures d’austérité. Si nous voulons donc une politique familiale stable à long terme, il faut lier le plus d’éléments possibles des aides aux familles à l’activité professionnelle. Il y a des techniques pour cela et la Hongrie se tient volontiers à votre disposition pour exposer son système d’incitations fiscales et de congé parental. De la même manière, nous estimons important de lier les aides accordées à l’enfant à la satisfaction des obligations parentales. Si les parents ne satisfont pas leurs obligations, ils ne pourront pas recevoir d’aide gouvernementale au titre de leurs enfants. A titre d’exemple si en Hongrie un enfant en âge scolaire et si ses parents ne l’envoient pas à l’école, ils ne pourront pas s’attendre à recevoir des allocations familiales. Cela veut dire que le lien avec une activité, entendu de manière sensée et humaine, est aussi un élément important de notre politique familiale. De la même manière, nous avons rendu possible la fréquentation de l’école maternelle devenue obligatoire dès l’âge de trois ans, et d’en faire aussi un élément important de notre politique familiale. Des dérogations sont bien sûr toujours possibles. Mais la Hongrie est un pays où l’éducation publique des enfants commence effectivement dès l’âge de trois. Nous ne considérons pas l’école maternelle comme une garderie, mais comme une préparation de l’enfant à ses années de scolarité  futures. Nous avons ainsi prolongé d’autant la durée d’insertion des enfants dans la société, la période de leur préparation et de leur formation. Et bien sûr il n’y a pas que les écoles maternelles, mais aussi les crèches. Je peux vous dire qu’en 2022 il n’y aura pas en Hongrie de demande de mise en crèche qui ne puisse être satisfaite.

 

Ces mesures, Monsieur le Cardinal, Monsieur le Président de la République, nous les avons toutes introduites, mais nous n’avons malheureusement pas encore atteint le tournant décisif. Nous avons déjà fait bien de choses, mais elles sont encore toutes réversibles. Il est important de savoir où se trouve ce tournant décisif, à partir duquel notre politique familiale produira automatiquement des résultats par une hausse de la natalité. Mais y a-t-il des certitudes en politique? Ce que je dis maintenant est basé sur l’expérience hongroise, et je pense que c’est applicable à l’Europe, au-delà cela a peut-être moins de pertinence. Je pense qu’en Europe – et en tout cas en Hongrie – nous aurons gagné si nous arrivons à mettre en place une politique d’aide aux familles qui fasse en sorte que ceux qui acceptent d’avoir des enfants soient assurés de vivre mieux que s’ils n’en avaient pas. C’est le point de rupture. Il faut que la décision d’avoir un enfant contribue à l’élévation du niveau de vie. Pas au sens où quand tu seras vieux, tes enfants prendront soin de toi, mais hic et nunc, tout de suite, quand tu élèves encore tes enfants, par le fait que si tu en as, tu te retrouves déjà matériellement dans une situation meilleure que si tu avais décidé de ne pas en avoir. C’est le but que nous voulons atteindre, c’est alors que va basculer du bon côté tout le système hongrois d’aide aux familles. Mais nous n’en sommes pas encore là, nous avons encore bien à faire pour y arriver.

 

Pour conclure, permettez-moi de répondre à la question: cette politique a-t-elle une chance de réussir ? Quiconque que  j’interroge en Europe, dans les salons politiques huppés, si ce que nous faisons peut réussir, s’il est possible d’atteindre le fameux taux de fécondité de 2,1, ou si c’est impossible, dans ces élégants salons européens neuf personnes sur dix me répondent que cela ne peut pas réussir. Et si neuf personnes sur dix affirment que quelque chose ne peut pas réussir, cela vaut la peine d’y réfléchir. Et nous devons nous demander si nous ne nous engageons pas dans l’impossible. Arriverons-nous au bout du compte à atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé ? Je ne peux pas vous donner une réponse irréfutable. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que je connais bien cette façon de présenter les choses pour en avoir fait l’expérience dans d’autres domaines. Quand nous avons décidé de nous passer des services du FMI et de le renvoyer dans ses foyers, neuf personnes sur dix nous ont dit que c’était impossible. Quand nous avons dit qu’il fallait impliquer les banques dans la gestion de la crise et qu’il fallait les taxer, neuf personnes sur dix nous ont dit que c’était impossible. Quand nous avons décidé la baisse des charges fixes des foyers et quand nous avons taxé les entreprises multinationales, on nous a dit que cela ne marcherait pas. Lorsque nous avons dit que nous allions mettre en place un impôt proportionnel sur le revenu au lieu du système progressif déjà annoncé dans le Manifeste Communiste – car c’est là que l’on en a parlé pour la première fois –, on nous a dit que c’était impossible. Quand nous avons dit qu’en dix ans nous allions créer un million d’emplois, on nous a dit que ce n’était pas possible. Quand nous avons dit que nous allions arrêter les migrants sur la frontière hongroise, quel que soit leur nombre, on nous a dit que ce n’est pas possible. Quand nous avons dit que nous allions ériger une clôture qui ne pourrait pas être renversée, on nous a dit que ce n’était pas possible. Je ne peux donc pas répondre à la question de savoir si l’objectif que nous nous sommes fixé en matière démographique pourra être atteint ou non, mais ce que je peux dire, c’est que c’est en vain que chaque fois que nous nous sommes fixé des objectifs importants pour la nation hongroise, neuf personnes sur dix nous ont dit que c’était peine perdue, nous y sommes tout de même arrivés. C’est la réalité.

 

Et je voudrais ajouter à l’intention de nos invités que je reconnais qu’il n’est pas facile de comprendre la politique hongroise en raison notamment de l’obstacle de la langue, mais il y a tout de même des points où il est tout à fait aisé de se comprendre. La politique hongroise a un mot-clé, qu’il est important de comprendre. L’histoire de la politique hongroise est suspendue à ce seul mot : « malgré tout ». Cela signifie, dans les autres langues : « envers et contre tout ». Cela veut dire que s’il le faut, nous nous y mettons, y compris contre le monde entier et qu’ensuite notre bravoure de Hussards fait qu’on y arrive. C’est un des points essentiels de la compréhension de l’histoire de la Hongrie. Mais cela ne signifie pas, bien entendu, que cela réussit à tous les coups. Il y a des conditions. Le succès de la politique démographique hongroise, de la politique du gouvernement est donc soumis à des conditions. Je ne peux pas toutes les identifier, mais je peux en citer trois ou quatre dont on peut dire qu’elles sont nécessaires au succès des aspirations hongroises.

 

La première condition préalable au succès de la politique démographique hongroise est le renforcement du christianisme en Europe. Si le christianisme ne se renforce pas en Europe, la Hongrie, îlot isolé, ne sera guère capable d’obtenir des résultats. La seconde condition est que nous ayons des partenaires. Tout seul, cela ne marche pas. Nous avons aujourd’hui des partenaires: Monsieur le Président Vučić, Monsieur le Premier ministre Babiš. Nous avons des partenaires, en Europe aussi. Nous sommes supporters des Autrichiens, et nous espérons que le bouleversement italien se résoudra en fin de compte d’une manière qui nous sera favorable et que là aussi, nous trouverons des partenaires. Il nous faut des partenaires en Europe, seuls nous n’y parviendrons pas. Et je suis sûr que puisque des bases économiques sont nécessaires et une condition préalable à une politique familiale réussie, il faut que la croissance du produit national brut de la Hongrie dépasse chaque année d’au moins deux points, d’ici à 2030, la moyenne de la croissance économique de l’Union européenne. Si elle la dépasse de deux points, cela produira les ressources nécessaires pour donner une base financière solide et permettre le financement d’une politique économique et familiale enrichie d’éléments nouveaux. Et enfin, la plus importante, la quatrième et dernière condition préalable: nous réussirons si nous tenons bon. Au travail!

 

Merci de votre attention.