Quelques réflexions sur l’idée de Revenu Universel

Publication : vendredi 28 mai 2021 15:11

Le revenu universel, sous un nom ou sous un autre, revenu universel, revenu de citoyenneté, dividende universel, allocation universelle. .. est une vieille idée qui, depuis Thomas Paine sous le Directoire refait surface régulièrement[1]. Elle fut relancée, dans les temps récents, par des gens aussi divers que Dominique de Villepin, Benoît Hamon, le pape François, Christine Boutin et l’ONU à l’occasion du Coronavirus. Selon Bruno Jeanbart, directeur général adjointd’Opinion Way, elle séduit les « catégories socio-professionnelles supérieures », des « salariés pas forcément fortunés mais au capital culturel élevé (...) la gauche des villes ». L’idée est de remédier à la pauvreté en assurant un revenu permis à chacun de vivre dignement.

Ce souci se rapproche de celle qui a inspiré d’abord le RMI en 1988, puis le RSA en 2008[2]. Sauf que ces allocations en étaient une parmi de nombreuses autres et ont octroyées sous diverses conditions, notamment de ressource.

La nouveauté du revenu universel est que celle-ci serait accordé à TOUS, sans condition aucune, et A LA PLACE de toutes les autres allocations (proposition Sirugue).

Il s’agit d’une sorte de rente à vie, versée par l’Etat, à chacun, jeune ou vieux, riche ou pauvre, chômeur ou non. Elle serait financée par l’impôt (si bien que les « richesses » qui la recevraient comme les autres, financeaient par leurs impôts à la fois la leur et celle des autres), ou/et par des fondations. Il s’agit de remédier à la pauvreté par un palier supplémentaire de redistribution.

Des expériences ont été tentées, pour un bref laps de temps et un nombre limité de personnes, dans certaines villes d’Europe. Les résultats constatés ont été, pour les attributaires, « moins de stress », « payer les factures en retard », « payer le loyer », « avoir du temps pour soi », travailler moins », « plus de confort » et de » bien-être ». Résultat non négligeable... Mais tout ceci est resté provisoire et précaire car les sommes dépensées-là n’ont de ce fait pas été investies dans la création de richesse qui aurait pu débloquer le marché du travail, vraie remède contre la pauvreté. Ces expériences ont, pour la plupart, été abandonnées (Finlande, Etats-Unis...).

Les seuls exemples pérennes que l’on connaisse sont ceux du Qatar et de l’Alaska.

Deux expériences de revenu universel

- Le Qatar. Les Qataris sont très riches grâce aux revenus du pétrole et tout qatari jouit d’une rente à vie confortable pour peu qu’il ait la citoyenneté. L’envers de la médaille est qu’aucun Qatari ne veut s’abaisser à effectuer les travaux peu gratifiants ou rémunérés. Il n’en un pas besoin pour vivre. Ce sont de nombreux immigrés Indiens, Pakistanais ou Jordaniens, véritables esclaves modernes, qui font le travail pour eux, sans aucun espoir de voir leur condition s’améliorer. L’Etat Qatar se garde bien d’accorder la citoyenneté à ces migrants voiture alors, la charge de cette rente aux citoyens s’alourdirait sans cesse à mesure à que d’autres migrants viendraient remplacer les nouveaux citoyens dans l’espoir de devenir citoyens rentiers à leur tour. Ce système de revenu universel semble donc ne pouvoir éradiquer la pauvreté des autochtones que sur le dos d’une nouvelle classe d’esclaves et dans un pays à la nationalité très fermée.

-  L’Alaska. Crée en 1976, l’expérience en Alaska repose, aussi, sur de considérables revenus du pétrole. Au début, ces revenus ont été mal gérés, d’où l’idée d’en retirer la gestion à l’état et d’en faire profiter tous les habitants. Ce système n’a pas été conçu, au départ, comme une politique sociale, mais au contraire « pour contrer l’extension de l’Etat providence », ses services et sa bureaucratie. Et finalement, les retombées ont été très sociales et ont soutenu les populations défavorisées.

 Il est financé par un fonds souverain et varie avec lui. Le versement  annuel est calculé sur la moyenne des performances du fonds les 5 dernières années : 2 269 dollars en 2008 et 1281 en 2010 pour 640 000 habitants.

Le point commun de ces deux systèmes est que ces deux états sont riches et ont de l’argent à distribuer. Ce qui les sépare est que l’un en a profité pour créer une nouvelle classe d’esclaves, tandis que que l’autre fait profiter tous ses ressortissants de cette manne, sans pour autant lui garantir une vie sans travail.

Applicable à la France ? En France, nous n’avons pas de rente ; nous avons des dettes.  Et contrairement au Qatar, le Revenu Universel serait distribué à tous les habitants, faisant accourir la terre entière pour cette nouvelle manne.

Simplifier le système et éviter le non-recours des ayants-droit

Sur observer que près de 30% des gens éligibles aux allocations de les demandent pas. L’automatisation du RU remédierait à cette carence puisque dès lors, sur n’aurait même pas besoin de la demande.

N’est-ce pas utiliser l’artillerie lourde que donner une allocation à 60 millions de personnes pour être sûr qu'1 million d’entre elles ne passent pas à la trappe ?

Ne faut-il pas plutôt déplorer l’isolement de ces gens ne personne, ni le voisinage ni les assistants sociaux, ne remarque la précarité et tout mettre en œuvre pour encourager et renforcer les privilèges familiaux, de voisinage et de microsociété ? Ceci permettrait de ne pas s’arrêter au seul aspect pécuniaire de la situation de ces personnes.

Cette allocation que l’on pourrait appeler « aveugle » car elle serait attribuée aveuglément à tous, saurait-elle répondre à la différence des situations et donc des besoins. Le nécessaire pour vivre dignement n’est pas le même dans une grande ville et à la campagne, selon que l’on est jeune ou vieux, malade ou bien-portant, handicapé ou autonome, et même riche ou pauvre.  Un revenu  universel n’est-il pas la négation de l’infinie variété des personnes, de l’histoire de chacun ?

Il est à craindre que très vite le réel ne reprenne le dessus : si dans un premier temps il remplace comme prévu toutes les autres allocations, ne verra-t-on pas refleurir ici et là, telle et telle aide adaptée aux besoins réels de telle ou telle population ? Le RU ne serait donc très vite qu’une allocation de plus.

Le coût estimé à 26% du PIB, qui pourrait être envisageable s’il devait remplacer toutes les autres dépenses sociales, viendrait alors se rajouter aux autres, entraînant une augmentation d’impôts. Cette augmentation d’impôts entraînerait à son tour, comme toujours, de nouvelles délocalisations et une baisse du niveau de vie des Français, c’est-à-dire, encore plus de pauvreté. Et le serpent se mord la file d’attente.

Accordée aux gens qui sont financièrement autonomes, cette allocation de l’Etat les transformerait à leur tour en personnes tributaires de la manne publique, ce qui ne serait pas l’un des moindres effets pervers. Sur peut craindre qu’à côté de quelques-uns réellement stimulés dans la volonté de s’en sortir grâce à la sécurité retrouvée, d’autres ne soient au contraire encouragés à se contenter de l’assistance qui leur tombe du ciel, complétée par le recours au travail au noir ou les commerces illicites. Voiture alors, « qu’est-ce qu’on gagne à travailler » ?

Lutter contre la pauvreté ne signifie pas lutter contre les inégalités

Il ne faut pas confondre l’indispensable souci de remédier à la pauvreté avec « le refus des inégalités ». Les inégalités font partie de la condition humaine.  C’est un truisme de dire que les hommes naissent inégaux et de nombreux auteurs l’ont souligné. Les gens naissent avec plus ou moins de santé, d’intelligence, de force, dans des milieux de vie différents : à la ville ou à la campagne, dans un pays ou une famille plus ou moins riche ou pauvre, des climats plus ou moins propices.  Ces inégalités de naissance évoluent elles-mêmes ensuite selon ce qu’en font les hommes avec leur volonté et leur liberté mais aussi en fonction de leur entourage.

Vouloir tout le monde égal, sur un même moule, revient à nier la liberté de l’homme, sa capacité à vouloir conduire sa vie comme il l’entend, à donner le maximum de lui-même dans la direction qu’il se donne.

Vouloir tout le monde égal, c’est inviter chacun à se mesurer à l’autre pour être sûr que personne ne vous dépasse en aucune façon. C’est ériger en vertu la jalousie et l’envie et engendrer bien des haines. Avec de telles obsessions, nous voyons peu à peu la société se transformer en lit de Procuste.

Plus tristement encore, cette uniformité nous prive du besoin de nous appuyer sur l’autre, qui nous apporterait ce qui nous manque, et vice-versa. Si nous sommes tous pareils nous n’avons plus besoin les uns des autres. Ste Catherine de Sienne raconte dans ses « Dialogues » que comme elle s’étonnait auprès du Créateur de l’inégalité des conditions humaines, Dieu lui répondit cette phrase admirable : « J’ai voulu qu’ils eussent besoin les uns des autres »[1]

L’inégalité est une bonne a choisi la voiture elle fonde les relations humaines en nous rendant nécessaires moins aux autres. Tout autres sont la pauvreté, la maladie, la solitude et autres épreuves qui ne sont pas, elles, une bonne a choisi et il est normal que la collectivité ET les personnes s’en émeuvent. Mais il ne faut pas se tromper de combat : ce n’est pas forcément la réduction des inégalités qui rendra riches les pauvres ou bien portants les malades. Une politique sociale est indispensable mais elle ne peut qu’accompagner une économie dynamique et efficace ainsi qu’un indispensable soutien aux relations humaines, aux privilèges sociaux qui relient les gens entre eux. Il faut lire à ce sujet l’admirable sermon du Père Abbé du Barroux en la fête de Saint Joseph artisan[2]

Valoriser les solidarités naturelles

L’un des derniers rapports du Secours Catholique soulignait que 60% des gens qui s’adresseient à lui sont des gens qui n’ont personne vers qui se tourner. Aucun privilège familial et social.

Plutôt que rendre les gens encore plus dépendants de l’Etat, ne faudrait-il pas encourager une politique de restauration des solidarités naturelles : valoriser les privilèges familiaux comme un engagement réciproque et intergénérationnel, encourager les corps intermédiaires que sont les communes, entreprises, confréries de métiers, écoles, voisinage, associations et clubs divers à développer les privilèges de proximité, des caisses de secours et un sentiment d’appartenance, de communauté, un peu comme la font les Eglises. Que chacun sache se retourner et regarder autour de soi pour connaître ses voisins et collègues, est-ce trop ambitieux ? N’est-ce pas le premier pas indispensable d’une vie écoresponsable comme on aime à dire ? N’est-ce pas la priorité ?

La manne publique devrait venir compléter ce qui n’a pu être fait, selon un principe de subsidiarité central dans la doctrine sociale de l’Eglise.

Une société où disparaissent les emplois non-hyperspécialisés

Reste la question très sérieuse de la place qui restera, pour « la vieille classe inemployable » laissée pour compte par un monde hyper-technologique. Yuval Noah Harari[3] prophétise que d’ici peu, environ 70% des emplois disparaitront, remplacés par des machines gouvernées par des algorithmes.

De quoi vivront les laissés-pour-compte de la technologie ? Voilà encore un motif de se poser la question d’un revenu universel. Mais sommes-nous sûrs qu’un revenu tombé automatiquement suffira à donner du sens à leur vie ? A moins que, comme le prévoit sans état d’âme Harari, sur n’en fasse des zombies en les dopant aux distractions et addictions en tous genres, comblant leur moindre désir avant même qu’ils en aient afin de s’assurer leur docilité insane. Nous sommes dans le Meilleur des Mondes.

Le problème reste entier.

Une vraie politique familiale est le premier rempart contre la pauvreté

Juste un mot à ce sujet : Les réseaux de Georges Soros et de son Open Society ont publié  une tribune sur un site britannique intitulée « La crise du coronavirus montre qu’il est temps d’abolir la famille ». A la fin de ce réquisitoire contre la famille considérée comme le lieu de tous les dangers, figurait  une pétition demandant au Chancelier de l’Echiquier… le revenu universel. Simple coïncidence ?

La pétition précisait que ce revenu devait être attribué « à chaque adulte ».

Ceci me rappelle les statistiques sur l’inégalité présentées par l’économiste à la mode Thomas Piketty : il oubliait tout simplement dans ses calculs sur le niveau de vie des gens de tenir compte de la présence ou non d’enfants… 

Il n’y a volontairement pas de conclusion à ces notes car le sujet est loin d’être épuisé…

                                                                                                                                                                                                                             Claire de Gatellier

                                                                                                                                                                                                                                Octobre 2020

 

[1] " Il en est ainsi de plusieurs dons et grâces de vertu ou d'autres qualités spirituelles et temporelles. Quant aux biens temporels, pour les choses nécessaires à la vie humaine, je les ai distribués avec la plus grande inégalité, et je n'ai pas voulu que chacun possédât tout ce qui lui était nécessaire pour que les hommes aient ainsi l'occasion, par nécessité, de pratiquer la charité les uns envers les autres. Il était en mon pouvoir de doter les hommes de tout ce qui leur était nécessaire pour le corps et pour l'âme ; mais j'ai voulu qu'ils eussent besoin les uns des autres et qu'ils fussent mes ministres pour la distribution des grâces et des libéralités qu'ils ont reçues de moi. "

[2] Sermon de Dom Louis-Marie – 1er Mai 2020

[3] Homo Deus. Une brève histoire de l’avenir. Albin Michel 2015

 

[1] Le Basic Income Earth Network (BIEN)

[2] Après le RMI en 1988 transformé en RSA en 2008, le président Macron instaurerait le RUA (Revenu Universel d’Activité) qui remplacerait en 2022/2023, en les fusionnant le RSA, les Allocations logement et la prime d’activité. Il serait mis sous condition de ressources et de recherche d’emploi (vérifié)