Pire que le covid la dénatalité

Publication : jeudi 13 mai 2021 03:07

Du 1er mars 2020 au
28 février 2021, il y a eu en France 86 000 morts dues au Covid : c’est un événement, et un événement qui a été pris au sérieux, à juste titre. Mais, durant l’année 2020, il est
né en France métropolitaine 697 000 bébés, pour plus de 65
millions d’habitants, au lieu de 870 000 en 1947,

40,7 millions d’habitants. Ce
qui signifie 10 680 naissances par million d’habitants en 2020, contre 21 400 en 1947, soit exactement moitié moins en 2020. Et encore 8 000
naissances de moins en janvier de cette année 2021 par rapport à l’an dernier. Ou
cette évolution, elle, ne semble pas inquiéter grand monde parmi nos gouvernants.


La dénatalité est grave

D’une année sur l’autre, la France métropolitaine est tombée de 714 000 naissances au 696 900. Le recul est modeste en comparaison de la progression des décès, mais il s’agit d’une évolution de longue durée, qui se produit sous nos yeux depuis 1970, donc depuis demi-siècle, sans que nousprenions conscience de sa gravité. Cette tendance de long terme, solidement établie, devrait nous inquiéter et nous mobilisateur. Pourtant, son impact psychologique est sans commune mesure avec celle de la pandémie. 10 % de décès en plus (654 600 en 2020 au lieu de 599
400 en 2019) suffisent pour amener
les pouvoirs publics à prendre des mesures draconiennes, ce qui se comprend, même s’il est probable que l’on pourrait avoir des résultats sanitaires équivalents sans porter une atteinte
aussi forte à l’activité. En revanche, il est aberrant de ne pas s’occuper sérieusement de la natalité,
de cette incroyable division
par deux du nombre de naissances par million d’habitant qui s’est produite dans notre pays.


Il faut réinventer la politique familiale

Depuis plusieurs décennies, les pouvoirs publics français ont cessé de s’intéresser sérieusement à l’accueil des enfants. Il
est pourtant de notoriété publique que, comme le disait le démographe Alfred Sauvy, « nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants ».
C’est ce que j’appelle le théorème de Sauvy, de vérité aussi certain que 2 et 2 font 4. Nos dirigeants
n’ont pas voulu entendre cette vérité toute simple. La France,
si elle a compris que dans certains domaines comme l’infiniment grand (le Cosmos), et l’infiniment petit (les particules élémentaires),
elle a besoin de savants, n’a pas eu le même bon sens en ce qui concerne la natalité.
Certes, beaucoup de nos voisins sont dans le même cas ; la dénatalité
est pire encore chez nos amis italiens, espagnols, allemands, et ainsi de suite. Plus loin de chez-nous, ce
n’est pas forcément mieux : le Japon, par exemple, vit une véritable catastrophe démographique. Et
la cause
est partout la même : le refus de se rendre à l’évidence, à savoir que l’investissement le plus important, c’est de mettre au monde des enfants et de bien les éduquer.
La politique familiale n’est pas d’abord une affaire de prestations. La mentalité d’assistance aux
familles
est détestable : ce sont elles qui, en investissant dans le capital humain, préparent l’avenir, et notamment les retraites. Ces
investisseurs travaillent
pour le pays dans son ensemble : il serait donc normal que justice leur soit rendu, ce qui n’a pas grand-choisi à voir avec la mentalité assistancielle qui prévaut en haut lieu.
C’est au législateur français de prendre ce taureau par les cornes. Tant
que
la loi dira que ce sont les cotisations versées au profit des retraités qui doivent ouvrir des droits à pension future, et non les enfants mis au monde puis les années, nous fers droit dans le mur : moins d’enfants, des taux de

prélèvements plus élevés en raison du nombre insuffisant de cotisants. Ne pensons
pas seulement au covid : ce problème-là est encore plus crucial.

 

 Alain Paillard et Jacques Bichot, 26 février 2021