L’institution familiale, cet irremplaçable écosystème.

Publication : mercredi 15 mai 2019 08:01

L’homme est encore premier et la nature est ce qui est autour, qui l’environne. C’est un trépied équilibré, dit la géographe Sylvie Brunel,  associant croissance économique, répartition et préservation des biens publics mondiaux (environnement, qualité de l’air, des sols et des mers). Et puis, à la charnière du millénaire, on assiste à une fracture conceptuelle (François Mancebo[1]). La planète remplace l’environnement. Ce n’est plus l’homme qu’il faut préserver en lui conservant un environnement sain et stable ; c’est la planète qu’il faut protéger, non pas pour l’homme  mais de l’homme, celui-ci  n’étant qu’une espèce vivante parmi d’autres, la plus nuisible.

 

 

Comment l’homme en est-il venu à une telle détestation de lui-même ? C’est qu’il ne sait plus qui il est. Il a perdu ce contact avec la nature qui lui vient de la connaissance de sa propre nature. En niant sa nature il ne comprend plus la nature qui l’environne et tour à tour la détruit ou l’absolutise. Les deux sont intrinsèquement liées. 

 

On peut trouver les prémices de cette attitude chez Hobbes et Descartes[2] : ce dernier refuse une nature humaine qu’il n’aurait pas créée lui-même,  « Nemo ante me » ; et il exhorte l’homme à se  rendre comme maître et possesseur de la nature[3], selon son expression, comme si elle lui appartenait.

 

Cette vision prométhéenne déconnecte l’homme de la nature. Ne devant rien à personne, il refuse les contraintes, mais aussi les clés de compréhension d’une « nature humaine ». Parallèlement son emprise sur la nature (planète) est sans limites puisqu’il en est maître et possesseur. Le corollaire est que, ne devant rien qu’à lui-même, il refuse les interdépendances entre la nature et l’homme comme entre ses semblables et lui-même. Il se veut libre…et seul.

 

Plus ancien que Descartes, le nominalisme de Guillaume d’Ockham dont les erreurs ont été dénoncées en son temps par l’Eglise, avait déjà juxtaposé les êtres les uns à côté des autres. Selon ce franciscain,  il n’y avait rien d’universel, c’est-à-dire pas de nature commune à un ensemble d’êtres, humains ou non, puisque tout n’était que convention langagière et subjectivité.

 

De même que l’être humain tend à être réduit à un consommateur, voire à de la matière première pour la recherche (embryons, gamètes, trafics d’organes…) la nature peut n’être aussi qu’un réservoir de richesses à piller sans limite ou un déversoir de notre consommation.

 

L’homme prétend se re-créer lui-même à sa guise, refusant toute idée de nature pré-donnée dont il devrait tenir compte et qui mettrait ainsi un frein à ses appétits. En miroir, il prétend aussi être maître de la nature et s’enfle comme la grenouille, prétendant régir  climats,  vents et marées.

 

Tandis qu’une succession de lois entend délivrer enfin les êtres humains de toute sujétion aux contraintes de leur nature, quelques taxes auraient raison d’un réchauffement climatique dont l’histoire nous dit pourtant qu’il est cyclique et passe bien au-dessus des agitations humaines.

 

La planète ? Oui. Mais pour qui ?

 

Protéger la nature (la planète) tout en détruisant la nature humaine est une impasse et un non-sens. La toute-puissance est un leurre prométhéen tandis que le véritable pouvoir réside dans la connaissance et le respect de lois que nous n’avons pas créées nous-mêmes. Selon l’expression fameuse de Francis Bacon « On ne peut vaincre la nature qu’en lui obéissant ».

 

La famille, en tant qu’elle respecte la place et le rôle de chacun, est la base du développement de l’être humain selon sa nature; nature comme tuteurée, corrigée, élevée par l’éducation, mais respectée dans son essence. La famille correspond à ce que l’on désigne en écologie sous le nom d’écosystème : cette correspondance entre le milieu naturel et la faune et la flore qui grâce à ce milieu peuvent exister et se développer.

 

Toutes les lois qui se succèdent depuis quelques décennies visent au contraire à disloquer la famille,  l’asphyxier, la déraciner, privant ainsi les enfants de leur biotope indispensable ; à nier toute relation  par nature  entre les uns et les autres pour ne plus voir qu’un contrat modifiable selon le bon plaisir du moment.

 

Peut-on s’étonner de voir l’humanité se détourner de la nature, ses cycles et ses saisons, alors que sa moitié (les femmes) est partout incitée à supprimer, par la pilule, son propre cycle naturel sans d’ailleurs s’inquiéter des perturbations que cela entraîne, entre autres dans les cycles des poissons, en raison des rejets d’hormones dans le circuit des eaux usées (cf. encadré p. ?). Dans de nombreux cénacles, on exalte Gaïa, la Terre-Mère, mais on piétine la maternité de la femme pour en faire une « production » artificielle et sur commande.

 

 

En « libérant » les femmes de leur cycle naturel, on les a rendues «disponibles en tous temps » ; le divorce de plus en plus facile et la quasi suppression du divorce pour faute ont transformé le don de soi et l’engagement en un contrat peu contraignant et régi bien souvent par la loi du plus fort ; en banalisant l’avortement, le réduisant à un acte simplement thérapeutique, et en abandonnant les « non-mères » à un deuil impossible, on a condamné l’enfant et piétiné l’instinct maternel ; en instaurant le « mariage pour tous » on nie la différence sexuelle inscrite dans la nature humaine et il ne reste plus ensuite qu’à tirer sur le fil de l’instrumentalisation et de la marchandisation de la femme et de l’enfant par la GPA, l’homoparentalité privant les enfants de mère ou de père ; l’utilisation des embryons pour la recherche, sur le point d’être autorisée, va accroître le sacrifice des petits d’homme sur l’autel d’un lucratif commerce . Et quant aux personnes âgées, accusées de menacer l’équilibre du budget de la santé, elles sont sur le point d’être abandonnées au nom de la rentabilité, comme le montrent les résultats éloquents de trois études qui viennent d’être publiées en Belgique[4].

 

La dissociation de la  sexualité et de la procréation, coupe la femme de la maternité, la maternité de la filiation, les enfants des parents, pour aboutir à des enfants sans parents. Curieuse écologie que cet affranchissement de la nature.

 

Il n’est pas anodin que presque tous nos chefs d’état soient, pour des raisons diverses et parfois douloureuses, sans enfants : E. Macron, Angela Merkel, Theresa May, Jean-Claude Juncker, ainsi que Xavier Bettel, Mark Rutte, Stéphan Löfven, et Nicola Sturgeon, respectivement premiers ministres luxembourgeois, des Pays-Bas, suédois, et écossais.  Ce n’est pas sans effet sur la vision de l’avenir et du développement durable qu’ont ces gens qui tiennent en main notre destinée

 

La meilleure incitation à prendre soin de l’environnement est d’avoir des enfants à qui on veut et on peut transmettre. Pas « les générations futures », « les citoyens du monde », vagues et anonymes, mais ses propres enfants, prolongements de soi-même, chair de sa chair qui incarnent la longue chaîne des générations de  passeurs  et non de  possesseurs  ou de jouisseurs.

 

 

C’est pourquoi la famille, l’institution familiale, est  le socle sur lequel se développent naturellement le souci de notre environnement, une nécessaire tempérance dans l’utilisation des ressources. La famille, comme foyer de transmission de la vie et condition de son développement harmonieux, entre en résonnance avec le souci de la protection de la nature, non pas mise sous cloche dans un conservatisme stérile, mais source et lieu de vie à protéger pour faire grandir.

 

Catastrophe écologique et catastrophe anthropologique sont liées[5]

 

Wikipédia donne la meilleure définition de la notion très en vogue d’écosystème : En écologie, un écosystème est un ensemble formé par une communauté d'êtres vivants en interrelation (biocénose) avec son environnement (biotope). Les composants de l'écosystème développent un dense réseau de dépendances, d'échanges d'énergie, d'information et de matière permettant le maintien et le développement de la vie.

 

Cette définition s’applique parfaitement au foyer familial « communauté d’êtres vivants, interrelation, réseau de dépendances, échanges d’énergie…permettant le maintien et le développement de la vie ». Une politique publique soucieuse d’une société stable composée de citoyens entretenant des relations apaisées et fécondes ne peut faire de meilleur choix que de cultiver ce biotope qu’est le foyer familial comme un amoureux de la nature soigne et enrichit le sol qui lui donnera les plus belles fleurs et les plus beaux fruits.

 

Depuis quelques décennies, à part quelques éphémères rebonds, les politiques publiques se sont au contraire ingéniées à stériliser le biotope : à décourager les parents d’avoir des enfants, à dissocier mari et femme sous prétexte d’égalité, d’indépendance ou de liberté, à se substituer parfois à l’autorité parentale, à remplacer une politique familiale qui avait fait ses preuves par une politique sociale, à dénaturer le mariage…

 

Maintenant on va pouvoir, grâce au Prélèvement à la source, dé-conjugaliser et dé-familialiser l’impôt sur le revenu, dissociant l’homme et la femme qui ne formeraient plus, avec leurs enfants, un « foyer », mais seulement des individus ne se devant rien les uns aux autres. C’est ainsi que les prestations sociales remplaceront les liens naturels de solidarité intra familiale  considérés comme une entrave à la pleine indépendance. Mieux vaut dépendre de l’Etat que d’un conjoint ou de parents. Idem pour les ayants-droit à la sécurité sociale et mutuelle : dès l’an prochain, ce sera chacun pour soi…et l’Etat pour tous. Les lettres des Caisses d’Assurance Maladie commencent à arriver dans les foyers.

 

Et pour finir, l’homme étant le seul animal nuisible de la planète, et la surpopulation le fléau n° 1, si l’on écoutait le député et ancien ministre Yves Cochet reprenant le refrain des écologistes rond-de- cuir, il faudrait taxer les familles de plus de deux enfants. N’est-ce pas une forme d’autisme de professer cela alors même que tout le monde s’accorde enfin à reconnaître l’inquiétant hiver démographique que connaît actuellement toute l’Europe et que l’on se demande par qui seront payées les retraites de nos enfants ?

 

Un responsable d’un Parc National,  répondait à qui défendait la place de l’homme dans la nature : Nous ne pourrons jamais nous entendre car vous mettez l’homme au-dessus de l’animal et des plantes ! »

 

Prenons garde qu’à prendre l’homme pour un animal comme les autres, il ne perde son humanité et régresse vraiment au rang d’animal. Et les animaux, eux, sont sans pitié entre eux.

 

 

 

                                                                                                                                                    Claire de Gatellier

 

 

 



[1] François MANCEBO ; Le Développement durable ; Armand Colin 2013

[2] Cf . Pascal IDE, prêtre de l’Emmanuel, docteur en médecine, philosophie et théologie

[3] Discours de la Méthode sixième et dernière partie.

[5] Cf Olivier Rey , Leurre et malheur du transhumanisme ; Desclées de Brouwer